Oh, je vous vois. Oui, vous, les grincheux au jugement rapide, qui avez directement pouffé à l’idée d’accoler RANDONNEE avec ASSISTANCE ELECTRIQUE. Vous vous trompez messeig.neur.neuse.s, et je m’en vais vous narrer pourquoi :

Prenez une région toute plate en théorie, genre la Bretagne. Foutez-y un bord de mer avec des rivières qui s’y jettent tous les 5 km et rajoutez entre chaque rivière des falaises granitiques en bordel sur 350 km de côtes (juste pour les Côtes d’Armor, préfecture Saint-Brieuc, faut-il le rappeler) et vous obtenez un parcours tellement vallonné que même mes voisins de camping qui en était à leur 15^e périple en rando-vélo n’en pouvait plus au bout de 4 jours. Certes ils étaient belges, mais c’est pas une excuse à tout.

Rouler le long de la côte bretonne, c’est enchainer tous les 500m une montée raide puis une descente rapide, avec de temps en temps la perspective joyeuse de longer une plage sans changer de braquet. L’espoir de prendre son rythme dans l’effort est ruiné avant même d’y penser, et le dénivelé cumulé augmente presque aussi vite qu’en moyenne montagne si on roule sérieusement. Et bien sûr si vous êtes fûtés comme moi, faites-le d’Est en Ouest, histoire d’avoir un maximum de vent de face.

C’est là que l’assistance électrique prend tout son sens. Avec un parcours aussi casse-pattes que splendide, aucun entrainement et des genoux fragiles, le corps s’use beaucoup plus vite que l’envie. Alors, plutôt que de m’arrêter frustré au bout de 60km et quelques heures à peine chaque jour, l’assistance permet de moins forcer dans les montées ou face au vent, et de faire durer le plaisir au moins jusqu’à usure de la batterie (caractéristique voisine d’un sex-toy, soit-dit en passant).

Car le vélo piqué au paternel offre 5 niveaux d’assistance : Rien / Eco / Tour / Sport / Turbo, avec une autonomie évidemment très variable selon le niveau d’assistance. En Eco, l’assistance « efface » juste le poids du vélo sur le plat et vient aider un peu plus en montée, en Tour c’est tout de suite plus généreux et en Turbo, le vélo cherche à permanence à accélérer jusqu’à la vitesse d’assistance max de 25 km/h. La contrepartie, c’est évidemment une autonomie qui chute drastiquement dès le mode Tour (50km) alors qu’en Eco ça tient 100km en moyenne sur 4 jours. Au-delà de 25 km/h, l’assistance s’arrête et les mollets sont seuls face à leur destin.

En pratique, l’assistance permet de placer son niveau d’effort où on le veut. Parfois j’ai roulé sans aide sur des longs segments pour le plaisir de l’effort, mais j’ai aussi béni l’assistance quand pendant une longue montée hyper raide et en pleine fringale juste avant le dîner du 3^e jour. Et c’est surtout l’autonomie souhaitée en fonction de l’objectif du jour qui vient dicter le niveau d’aide possible. Après avoir fait les 13 derniers km du premier jour sans aide, j’ai pris un peu plus de marge les autres jours.

La partie surprenante est la réaction du corps : j’ai moins forcé que d’habitude ce qui m’a épargné en grande partie des douleurs aux genoux et tendons, mais j’ai quand même tourné les jambes pendant 5h par jour, générant avec une fatigue et une dépense énergétique assez proches d’une rando classique. Les statistiques des boulangeries de Côtes d’Armor devraient d’ailleurs indiquer un pic de consommation de Fars Breton en portion individuelle pendant ces 4 jours.

La question subsidiaire, c’est évidemment la recharge de la batterie, qui je pense prend au moins 5h si elle est vide. J’ai opté pour une recharge uniquement la nuit, chez des potes ou dans les campings où j’ai dormi parce que je n’avais pas le temps / l’envie de gérer ça autrement. Même si ça ne prend que 2 minutes de mettre en charge, on ne va pas s’amuser à trouver une prise et rester à proximité pendant 3 plombes à chaque village. Mais une option maline peut être de faire une faire une bonne pause le midi et d’en profiter pour charger (dans un bar / Resto) et prolonger l’autonomie du jour et / ou se passer de recharge le soir.

Dans tous les cas, quel plaisir que de lambiner en douceur le long de la côte. Une de mes motivations sur ce parcours était d’arrêter d’être un breton qui n’a vu la Bretagne que dans un rayon de 40 km autour de Dinard, et notamment de parcourir les routes des origines de la famille, du côté de Lannion (Lan Huon en breton, soit la terre des Huon en français selon des sources tellement fiables qu’aucune n’est pas de la famille). Et bah, purée, c’est quand même vraiment beau les Côtes d’Armor ! Je n’ai pensé à prendre des photos que le 3^e jour sous la grisaille, ce qui ne rend pas justice à ces baies sauvages qui s’enchaînent, libres d’accès et préservées par la grâce de la loi Littoral (coucou la Méditerranée).

Vélo Moustache samedi 26 / Batterie 500W

• 380 km sur 4 jours
• 23 km/h de moyenne (+ 4 km/h vs autres rando-vélo similaires)
• 34 petites ports de pêche trop mignons, on dirait des chatons.
• 3 départements
• 17 fars Breton.
• 1 douche.

En résumé, je suis très convaincu par la formule en zone escarpée. En contrepartie d’une dizaine de kilos en plus – soit 3 kouign-amann en dessert – et de la gestion de la recharge, la rando en VAE n’enlève rien au plaisir du vélo et offre à mes yeux la possibilité de choisir son niveau d’effort quel que soit le terrain et / ou d’en faire plus chaque jour, y compris pour comme idée pour des néophytes curieux mais qui n’auraient aucune envie de faire le moindre effort de la journée.

Je ne suis pas sûr que ça vaille la peine pour faire la Beauce à bicyclette, mais le jour où je continuerai le tour de Bretagne par la côte (il me reste 1150 km juste pour le Finistère), j’aurai très probablement l’envie de prolonger l’expérience. Et j’y vois même l’argument pour motiver des potes n’aimant pas le sport de venir partager une rando vélo tranquille (50 km/jour, nuit en hôtel, dégustation de vin l’après-midi, etc.) dans un coin de notre belle France.

Brieuc pour Rando-Magazine