Man & Woman VS Wild – 150 km dans la jungle

Le pitch : un couple part en canoé avec un guide explorer la jungle amazonienne pendant un semaine en autonomie complète. La vraie jungle, l’enfer vert, avec ses singes, ses oiseaux, et bien sûr ses grosses bébettes qui font peur. Reviendront-ils vivants ? et dans quel état ?

Cette semaine dans la jungle, les personnes qui nous en avaient parlé avaient des étoiles dans les yeux à chaque fois : leurs récits sur la sensation de calme par l’isolement complet, et en même temps le sentiment d’être remis à une toute petite place au milieu de cette immensité hostile, nous avaient bien motivés. C’est donc avec un doux mélange d’appréhension et d’excitation qu’on s’est rendus sur les lieux. Et pour partir loin de tout, il faut faire un peu de trajet.

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Recette pour un voyage loin de tout :

  • Faire 12h de minibus, et descendre là où la route se termine. Le prochain bout de goudron est à 500km au Nord.
  • De là, faire 4h de bateau pour atteindre un petit village isolé
  • Puis faire 45 min de mototaxi sur les petits chemins jusqu’à l’entrée de la Réserve Nationale Pacay
  • Enfin, s’enfoncer dans la jungle en canoë pendant 70km
  • C’est bon, vous êtes arrivés

Le parc est immense (et encore…) : 20 000 km², l’équivalent de 3 départements, donc évidemment on n’en a vu qu’une petite partie.

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Dès que nous sommes entrés dans le parc, on n’a pas perdu de temps : suite à un retard de notre bateau, nous commençâmes à voguer vers 15h30, avec 3h de retard. Enfin, on ne savait pas qu’on était en retard, car on n’avait qu’une très vague idée du programme de la semaine. On avait demandé 7 jours un peu au hasard, et une des agences consultées pour les préparatifs nous avait envoyé un programme approximatif, mais on n’était pas les premiers à le faire et on comptait sur une improvisation partagée avec le guide.

C’est donc bien calés dans la grande barque, avec nos petits sièges aménagés qu’on commence doucement à s’enfoncer sur la rivière, emportés par un courant généreux. On propose de ramer, « pas besoin » répond le guide, on a donc tout le loisir de découvrir la folie végétale et animale de la jungle.

A la tombée de la nuit, vers 18h, on aperçoit une petite hutte. « Superbe gestion du timing » me dis-je (Brieuc), parce que je ne nous voyais pas trop nous enfoncer dans la jungle dans le noir complet sur une rivière peu large et très sinueuse.

« Ah non, c’est pas là, il nous reste au moins 2h » me répond Arecio, 54 ans dont 20 de métier, tout en sortant sa frontale. Et nous voici partis dans la nuit noire, à descendre la rivière avec pêle-mêle les bruits inconnus dans tous les sens, les chauves-souris en plein repas de moustiques qui nous frôlent, et très régulièrement nos lampes qui éclairent les 2 yeux orange fluo des crocodiles qui stationnent dans l’eau à quelques mètres de notre sillage. Bien sûr aucun vrai risque, mais comme entrée en matière, on a déjà connu plus soft.

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On me voit, on me voit plus, on me voit un peu, on me voit plus.

Du coup je me suis mis à ramer.

Sans trop d’espoir d’une réelle contribution à la vitesse du bateau, mais au moins ça pouvait pas le ralentir. C’est finalement après un peu plus d’une heure d’un mélange entre émerveillement et appréhension que nous arrivons à un petit campement aménagé pour y passer la première nuit.

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Le 2e jour, la rivière s’élargit un peu, et nous laisse apercevoir le bestiaire espéré : singes, perroquets, herrons cendrés, rapaces en tout genre, dauphins, tortues et notre petite préférée : la loutre géante, clairement moins farouche que les autres, qui se balade en bande en poussant des mauvaises imitations de ronflements (vidéo sur Facebook).

Mais le 3e jour, avec 6h de navigation au programme, on commence un peu à avoir des doutes : descendre la rivière toute la journée, c’est sympa, mais ça devient monotone. On avait compris qu’on ferait des trucs plus variés, genre pêche, séquence observation en forêt à aube ou à la nuit tombée, de quoi découvrir nettement plus la jungle et passer notre premier flocon de survie en milieu extrême. D’autant qu’il allait falloir se coltiner de remonter la rivière, et donc reprendre au moins 3 jours complets sans rien faire d’autre.

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On questionne alors le guide sur le programme. Arecio, sympathique mais un tantinet pataud, semble alors dérouté par nos demandes. C’est donc avec un peu des doutes sur la suite de la semaine et une tentation de raccourcir le séjour qu’on attaque l’après-midi.

C’est alors que le miracle eut lieu à plusieurs niveaux :

  • En fait, il suffisait juste de lui demander, il savait tout faire (cf la suite). Sauf prendre des initiatives, du coup.
  • On savait bien qu’une part du plaisir dans un tel lieu, c’est de lâcher-prise et de profiter de ces moments de quiétude isolée, mais parfois ça prend du temps. Le 3e soir, on s’est complètement relâchés. A partir de là, on a vraiment commencé à profiter et à jouir du mélange entre calme absolu et nature si vivante. Jusqu’à apprécier de ne rien faire de la journée.
  • Malgré les apparences, il semblerait que j’ai des muscles dans les bras. Et le mélange d’envie de gagner du temps sur les navigations, de culpabilité de le voir galérer seul à contre-courant, et parfois de pluie qui ne laissait pas grand-chose d’autre à faire ou à voir, fait qu’on a ramé quasi en continu tout le retour. Et, malgré la pagaie pour enfant qu’on avait, on a quand même gagné à chaque fois 30% du temps sur ses estimations. Et puis on bouffait du piranha au petit dèj, fallait bien que ça serve.

Côté confort, on nous avait promis du rustique, c’était le cas. Rien d’infâme pour qui est habitué au camping sauvage, mais avec la dimension jungle en plus : quand on n’a pas d’eau potable à foison, on fait tout avec l’eau de la rivière. C’est pas surprenant pour faire la vaisselle, se laver ou faire un semblant de lessive, ça commence à devenir intéressant quand on cuisine avec pour les pommes de terre ou le court-bouillon de la pêche du jour.

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Côté bébètes, c’était moins pire que prévu. Bien sûr, il faut un peu de temps pour s’habituer aux frelons géants qui trainent sur la barque et le ponton le matin quand tu fais la vaisselle (ils ont une certaine appétence pour les écailles de poisson et le tissu bleu des sac à dos Quechua, va comprendre pourquoi).

Mais surtout, on avait pas une envie folle de se choper la malaria alors, bien que le guide nous ait expliqué qu’il n’y avait pas de problème de paludisme sur cette rivière-là, on a quand même envisagé que les moustiques savaient voler. Nous avons donc appliqué à la lettre les bons conseils des habitués des zones à paludisme (merci Pierre), à savoir ressembler à un allemand : chaussettes-claquettes, pantalon rentré dans les chaussettes, chemise manche longue rentrée dans le pantalon, et anti-moustique sur les quelques bouts de peau qui restent.

Une recette efficace combinée à une inspection soigneuse de la moustiquaire chaque soir qui nous permît d’afficher un palmarès de seulement 10 piqûres / morsures sur la semaine pour moi, et quand même une 40aine pour Hélène. Mais rien à voir avec le gars qu’on a croisés qui avait « déjà fait 3 fois des zones de jungles » mais qui a moyennement apprécié de se réveiller avec bras et jambes décorés façon rougeole par manque de vigilance.

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En vrai, la protection qu’on avait, c’était surtout qu’on dormait dans des petites clairières, parce que dès qu’on mettait les pieds dans la forêt, ça ressemblait à ça :

Une nuée de moustiques tigres en mode rafale qui accueillent dès le premier pas dans la forêt et qui ne lâchent qu’après victoire par KO. Valable aussi lors des pauses pipi en canoë sur les berges…

La rencontre de la semaine

Arecio, notre guide, a 3 caractéristiques majeures : il est infatigable à la rame, redoutable en pêche de nuit au harpon et il ne voit pas la jungle avec les mêmes yeux que nous. Du genre capable de repérer un oiseau au camouflage parfait à 25 m au milieu des fourrés.

C’est donc avec pleine confiance qu’on est partis en forêt un matin avec l’objectif avoué d’aller voir des anacondas. 11h du matin, grand soleil, nos cibles devaient donc être de sortie, affalés sur les branches des arbres pour glander un peu en attendant la pluie.

Tout en traçant notre chemin à la machette, Arecio nous montrait comme d’habitude les différents types d’arbres et de fruits qu’on pouvait trouver dans le coin. A un moment, il se baisse pour attraper un fruit comestible au sol et… retire sa main d’un coup tout en faisant un bond en arrière. La suite en photo.

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Vous l’avez ?

On zoome un peu ?

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Aiiiiiee confiaaaaaaaaaaaaance

Pour être précis, pas un anaconda mais un superbe Boa Constrictor, 3m au garrot soit la taille maximale autorisée par Dame Nature, heureusement en mode sieste autant qu’en mode camouflage, en plein sur le chemin. L’enfer vert dans toute sa splendeur.

Après un détour de quelques mètres pour éviter la zone, on continue notre chemin, et je lui pose la question qu’on n’avait pas envisagé jusque-là : si c’est lui qui se fait attaquer, il faut qu’on fasse quoi, nous ?

« bah s’il me mord, il lâchera pas, donc il faut en profiter pour lui attraper la tête bien fort par derrière pour le forcer à ouvrir la gueule. »

On aime / On n’aime pas :

On aime pas trop croiser un croco la nuit quand on se lève (Hélène). « Je l’ai regardé, il m’a regardé d’un oeil, j’ai regardé, il m’a regardé en face, je l’ai ébloui avec la frontale, il a rien fait. Je pouvais plus me retenir, j’y suis allé quand même. Bref, j’ai vu un croco en allant pisser ».

Par contre on aime bien quand c’est Arecio qui s’y met. On lui avait demandé s’il y avait moyen d’aller les voir de plus près. Nous voilà partis de nuit sur la barque, en mode furtif pour approcher les sac à main aux yeux fluos. Comme quand on s’approche, les crocos ne s’enfuient pas mais vont juste se planquer au fond de l’eau, on pensait qu’il allait nous en montrer un à la frontale. Et puis 5 secondes après :

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A peine de quoi faire un porte-carte.

On aime la vie en symbiose dans la jungle, comme quand le slip d’Arecio qui sèche protège également les tomates du soleil. Presque de la permaculture…

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Le Slip Français n’a qu’à bien se tenir

On aime beaucoup les petits raccourcis sur la rivière pour couper les virages, façon Mario Kart. Surtout quand on remonte le courant et que ça fait gagner 400m.

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LR + Flèche gauche

On aime pêcher les piranhas. C’est pas compliqué sur le principe :

  1. Prendre un bout de pain comme hameçon sur la canne à pêche rudimentaire.
  2. Choper du menu fretin qui passe par là (moins de 5 secondes chrono quand on a le coup de main)
  3. Découper les poissons en tranche
  4. Changer de canne à pêche pour une beaucoup plus solide. C’est que ça tire fort, ces trucs-là.
  5. Laisser traîner le bout de barbac sanguinolant bien arrimé à l’hameçon, les piranhas pouvant détecter 1 goutte de sang à plusieurs dizaines de mètres , ils ne tardent pas à débouler.
  6. Recommencer comme l’étape 2, mais en essayant d’aller plus vite que ces charognards énervés, pour en sortir un de l’eau avant qu’ils n’aient déchiqueté tout l’appât. Et ça c’est chaud.

Bon le seul qu’on a mangé, c’est Arecio qui l’a attrapé. Et c’est un des plus goûtus de la rivière.

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Que des incisives, pas rentable pour un dentiste

On aime descendre l’Amazone en bateau. C’est long, c’est immense, c’est lent, et c’est au son des anthologies DVD piratés de Steven Seagal diffusées sur la télé du bateau. Mais quel plaisir !

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Voilà, une semaine riche en émotions. On vous épargnera les tirades sur la vie en harmonie avec la nature (à la fin il nous restait encore 3 flacons de Répulsif Extrême) mais on en aurait bien repris un louche, de cette épopée lente au rythme de la rivière.

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12 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Anonyme dit :

    Waouuu les aventuriers de folie!! manque plus qu’un marsupilami pour que ça soit complet et authentique 🙂

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  2. Brady dit :

    Je vous envie 😘

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  3. Pierre dit :

    Attention, ne pas offrir de peau à dévorer aux moustiques ne signifie pas se saper comme un teuton. On peut se protéger efficacement des moustiques en gardant son amour propre voire sa dignité 😱😱

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    1. hlneetbrieuc dit :

      Oui mais c’est plus dur. De l’intérêt de ne pas avoir d’autre témoin qu’un guide qui met des pantacourts.

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  4. Anonyme dit :

    J’ai bien ri!

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  5. AnaisHugo dit :

    Ouah, l’article est passionant!!!
    On a failli vous demander un bullage rouge pour repérer le Boa mais c’est à ce moment qu’on a vu la tronche de la bébête ! Pour les 3 mètres, on vous croit sur parole, un peu peureux sur ce coup là Arecio?
    Profitez en !
    Bisou

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  6. Éd dit :

    Trop sympa cette semaine d »aventure dans la jungle… Vous n’ avez pas froid aux yeux les cocos! Chapeau.
    J’ai aussi rattrapé quelque articles de retard. Huaraz et le mal des montagnes : grands souvenirs pour nous avec le trek de Santa Cruz dans LA cordillèra Blanca, la pire épreuve physique de ma vie jusqu’à 4700m d’altitude ! Si vous retournez vers le Sud on avait quand même été fascinés par les lignes de Nazca. Bisous les amis

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  7. Fred dit :

    Super ce voyage en terre inconnu !! J’ai adoré votre récit,
    Merci à vous 👍

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  8. Berry dit :

    On aime la vie en symbiose dans la jungle, comme quand le slip d’Arecio qui sèche protège également les tomates du soleil. Presque de la permaculture…
    C’est surtout bête d’avoir loupé une bonne occasion de se faire sponsoriser tout le voyage par le Slip Français 🤩🇫🇷

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    1. Hélène et Brieuc dit :

      Yep, on avait pas pensé à ce sponsor-là !

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