4e semaine : Medellin / Bogota, le grand écart

Après notre semaine détox, et 2h sur internet à une terrasse de bar comme 2 bons junkies en manque, on est partis pour Medellin. 2h de bus et d’embouteillages, la tête dans la pollution. Après une semaine de calme et de silence, se retrouver à littéralement cracher ses poumons au fond du bus, c’est une transition un poil violente, un grand écart à froid.

Avant d’arriver en Colombie, on n’avait pas une grande connaissance de Medellin, à part l’association à Escobar et au Cartel. Mais tous les gens qu’on avait croisé jusqu’alors dans le pays nous en avaient parlé en termes élogieux, donc on était assez motivés pour découvrir la ville. Et clairement on n’a pas été déçus.

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D’abord, la ville est nichée à 1500 m d’altitude, mais en plein milieu d’une jolie vallée dont les contreforts montent à 2500m tranquillou, ce qui donne des envies et des possibilités de rando à gogo, accessible en moins d’une heure. Mais surtout il se dégage de la ville une atmosphère particulièrement dynamique : c’est comme si, après des années de violences et de difficultés, l’intégralité de la région se sentait pousser des ailes, avec une énergie créative et une fierté locale qui font changer les choses à grande vitesse. On se croirait dans une pépinière de start-ups tellement ça grouille d’idées, d’envies et de potentiel.

A ce stade, un petit aparté s’impose pour parler d’un quartier emblématique, qui raconte à lui seul une bonne partie de l’histoire de la ville : la Comuna 13

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450 morts par armes à feu en un an. Pour un pays, ou même une ville de 3 millions d’habitants comme Medellin, ça fait déjà beaucoup. Mais quand on parle uniquement d’un quartier de 150 000 habitants, ça pose rapidement le niveau. L’année 2002 fut, pour la Comuna 13, la pire année.

De toutes façons, on peut pas dire que ça avait bien démarré pour le quartier. Bidonville construit à flan de colline comme il y en a partout, le quartier était dans les années 70 et 80 complètement délaissé par la municipalité. La police n’y mettait pas les pieds, et les habitants s’étaient organisés en milice d’autodéfense pour sécuriser la zone (Cartels, Farcs, etc) en se finançant un peu sur le dos des commerçants, avec des résultats, mais aussi une petite tentation de dérive façon racket.

Tout allait donc pour le mieux jusqu’en 1993. Avec la mort de Pablo Escobar, le prince de la Medellin, 75% Tony Montana, 25% Robin des bois pour les locaux, l’équilibre des forces saute, et le quartier se trouve pris en plein milieu de la guerre de pouvoir avec à l’extrême-gauche les Farc, à l’extrême-droite les milices paramilitaires, et au centre les cartels de la drogue. Toute la panoplie de la violence urbaine était présente (meurtres, rapts, etc…) et l’ensemble allait crescendo. En 2002, l’armée se décide enfin à intervenir pour 2 purges massives (1 500 soldats, des hélicos, diffusion en boucle de Cuitas les bananas de Philippe Risoli via des haut-parleurs géants) et le quartier commence petit à petit à sortir du fond.

Là où ça devient intéressant et spécifique, c’est comment l’urbanisme vient accélérer les choses. Car, bien que le quartier soit à 5km max du centre-ville, il fallait au début compter 2h en bus les bons jours (vu le niveau de pluie et l’insalubrité, marcher n’est pas vraiment possible, encore moins pour les enfants car bien sûr il n’y a aucune école dans le quartier).

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Métro et jonction avec les télécabines

Mais, après l’ouverture du métro au pied du quartier en 1996, le quartier connaît en 2012 une première mondiale : l’installation d’escalators en extérieur en plein milieu du quartier, pour désenclaver les habitants de la colline. Le projet, réalisé avec des fonds allemands (https://www.youtube.com/watch?v=Yy2qOWfW_K0), est une révolution et un sacré succès. Car en plus, la municipalité offre les murs du quartier en terrain de jeu de Street-Art pour les habitants, pour redonner les couleurs.

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En orange, les escalators couverts

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En quelques années, le quartier devient un lieu relativement sécurisé, mais surtout une galerie d’art à ciel ouvert, dans laquelle les stars internationales viennent peindre un mur, et que les touristes se pressent pour visiter. Et clairement ça en vaut la peine.

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Plus généralement, c’est tout Medellin qui est passionnante, sur la transformation d’une ville par ses projets d’urbanisme, pêle-mêle :

  • Un métro très efficace, civilisé et surtout incroyablement propre (l’ensemble est d’un niveau japonais, c’est dire). A l’ouverture du métro en 1995, des messages sur le mode d’emploi du métro et la notion de bien commun à respecter ont été diffusés pendant plusieurs semaines, afin que la population s’approprie l’équipement. Et clairement le niveau de civisme dans les lieux n’a rien de commun avec ce qu’on peut voir ailleurs dans le pays. Pas un seul mégot sur les voies, et le mec qui fait tomber un papier se fait reprendre illico par son voisin.
  • L’utilisation des télécabines pour désenclaver les bidonvilles nés à flan de colline et offrir du coup des possibilités de déplacement et de travail au plus grand nombre.
  • Les 5 plus grandes artères de la ville transformées en pistes cyclables / terrains de sport 3x par semaine (mardi / jeudi AM et dimanche matin, pas juste une fois par an avec moults protestations façon Paris) pour pousser au sport et au vélo.

Une cité vraiment passionnante, avec des habitants dont la fierté de s’en être sortis par l’éducation et l’urbanisme donne une patate d’enfer à cette ville qui ne mérite presque plus sa sinistre réputation.

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Le trajet pour Bogota fut homérique, le genre de plaisir hasardeux qu’un voyage sans contraintes peut offrir : 450km mais 10h de route de nuit à travers le pays, à travers les zones de culture de coca, en passant devant l’ancienne propriété légendaire de Pablo Escobar à 23h30, dans une voiture proche de la fin de vie dont l’échappement refluait dans l’habitacle dans les montées, et avec un conducteur qu’on connaissait pas beaucoup, mais qui s’est avéré avoir eu une vie de fou -enlevé par les Farcs, directeur de campagne d’un candidat à la mairie de Medellin, pote avec le maire de Bogota et l’ancien président du pays, l’ensemble étant attesté et vérifiable- avec qui, à la suite d’un embouteillage à 1h du matin au milieu de nulle part, nous finîmes par dormir dans un hôtel de camionneurs avec vue sur les montagnes, et rentrer dans Bogota comme des princes au petit matin, pour aller directement prendre un café avec un de ses potes, un consultant de renom qui bosse justement sur des projets qui nous intéressent.

La phrase est longue, mais elle reflète à peine l’impression d’avoir vécu 1 semaine d’aventures en 1 nuit (dont 7h de conversation continue en espagnol sur tous les sujets possibles – ce qui vaut bien 1 semaine de cours – pendant qu’Hélène dormait à l’arrière…).

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La légende du 1er avion d’Escobar, posé en trophée à l’entrée
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La vue au petit matin de notre motel de routiers

Evidemment, après ça, Bogota nous a paru sympa mais clairement moins ouf guedin et on est déjà très long donc vous n’en saurez pas plus. Par contre les rencontres qu’on y a fait était géniales, cf on aime.

On aime / on n’aime pas :

 

  • On aime la découverte du Gorafi local, https://actualidadpanamericana.com/, qui bien sûr vaut son pesant de cacahuètes, en particulier sur les FARC.
  • On aime discuter politique colombienne pendant 1h avec Nadia, notre rencontre du jour (encore une fois merci pour les contacts). Comment une conversation où notre invitée commence par « je suis pas très branchée politique » termine en explication passionnante de l’histoire politique du pays et du dernier référendum anti-corruption survenu 1 mois avant.
  • On aime sortir en 30 min de Medellin en télécabine au dessus de la ville, pour 4h de marche en pleine nature au Parque Arvi. Une sensation d’évasion aérienne assez jouissive.

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  • On n’aime pas quand 2 colombiens font fortune avec… des crêperies. Crêpes y Waffles, la chaîne de resto la plus connue de Colombie. Au point qu’au moment des accords de paix, Actualidadpanamericana a titré « Le chef des FARC va enfin pouvoir connaître la vrai vie des colombiens en faisant la queue comme tout le monde le dimanche matin chez Crêpes y Waffles ».  Crêpe > Pizza, je l’ai toujours dit.
  • On n’aime la pollution de l’air à Medellin, sorte de Grenoble tropical. C’est le seul point noir de la ville, mais avec 3 millions d’habitants coincés dans une vallée sans vent, c’est assez inéluctable et souvent irrespirable.
  • On aime beaucoup le musée de l’or de Bogota, une collection incroyable d’artefacts, dont la statuette de chaman la moins crédible au monde.

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  • On aime l’accueil de Maria et de sa famille. On ancienne co-stagiaire d’Hélène d’il y a 10 ans, qui nous a logé comme des rois pendant quelques jours à Bogota.

Voilà pour le moment. On fait des poutous et des guili guili à tout le monde.

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6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Pierre dit :

    Ces rencontres donnent au voyage la part d’inatendu et de mystère qu’il faut. Ça me rappelle la Calirfornie.

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  2. Constans dit :

    J’ai Cuitas les bananas dans la tête pour tout le weekend…

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    1. bpenanster dit :

      Hé hé hé mission accomplie alors

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  3. Pascale dit :

    Du coup j’ai écouté cuitas l’as bananas pour la 1ère fois …enfin, pas longtemps !!!

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  4. forlano dit :

    un voyage de rêve,merci de partager de bons moments .Des cliches époustouflants…..
    Je t’imagine en train de découvrir ses sublimes paysages , quel plaisir tu dois prendre avec ton épouse ! .

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